Likya Yolu
Likya Yolu signıfie "Voie lycienne", un itineraire de randonnee qui longe la cote de Fethiye a Antalya, dans le Sud-Ouest de la Turquie. Pendant une semaine, nous avons suivi ce sentier entre paysages mediteraneens et sites historiques. J'aurais pu aussi nomme cet article "Drame sur Kabak beach" ou bien encore "Cinq oranges et sept concombres"... Mais Likya Yolu, c'est bien plus evocateur, ca sonne mysterieux, presque magique!
Sous un ciel bleu resplendissant, nous quittons Fethiye, laissant derriere nous la marina et ses voiliers. Nous montons pas a pas la route de Kayakoy jusqu'a la forteresse en ruine qui domine la petite ville cotiere. De la, nous tendons le pouce. La meteo favorable imprime sur nos levres un sourire de bonne humeur. Nous n'attendons pas : une voiture s'arrete et nous sautons dedans.
Apres quelques virages sinueux, toujours plus haut, la vue s'ouvre sur le village fantome de Kayakoy. Des milliers de maisons en pierres sont adossees a la grande colline. La plupart n'ont pas de toit et les murs s'effondrent. La visite nous fait decouvrir d'anciennes eglises du XVIIe siecle totalement abandonnees, un fort haut perche, et surtout une ambiance indescriptible. Sous un temps pluvieux, l'endroit revet sans doute un caractere morne et nostalgique. Mais aujourd'hui le soleil brille!
Au-dessus du village, le chemin s'eleve au milieu de la garrigue. Ca sent bon le thym et la provence. Puis nous longeons une corniche offrant des vues fantastiques sur la mer.
Ainsi, pendant trois jours nous traversons des forets de pins, de grands plateaux perches au sommet de falaises abruptes, des oliveraies aux arbres plusieurs fois centenaires a en juger par leur taille. Nous sommes parfois proche des cotes, parfois plus loin dans les terres.
Nous campons chaque soir : sur une piste caillouteuse traversee par un troupeau de chevres en pleine nuit, ou sur un coin d'herbe ideal entre une jolie riviere et une large reserve de bois mort. Nous nous nourrissons de tomates, d'oranges, de thon et d'huile d'olive. Nous cuisinons au feu de bois des galettes de pain et des soupes de nouilles.
A la fin du troisieme jour nous atteignons Kabak beach. De grands chalets en bois caches dans une foret, laquelle s'ouvre sur une mignone petite crique mi-sable mi-galets. Mais les geographes comme Sabrina, une amie de Sophie, preferent dire "un camp touristique bien integre dans le paysage" (clin d'oeil!!). Nous decidons de monter la tente sur la plage. Le ciel jusqu'alors clair se remplit peu a peu de nuages sombres, et pire, le vent se leve! Nos sardines n'ayant aucune prise dans le sable, nous remontons finalement dans le foret ou nous pensons etre un minimum abrites des rafales qui deja gagnent en puissance. La pluie aussi menace. Hatons nous! Notre campement installe, nous nous refugions a l'interieur. Au fil des heures, la tempete ne faiblit pas. Il semblerait meme que ce soit le contraire. A deux reprises, deux sardines lachent. Je sors de la tente pour les refixer mais je tiens a peine debout tant le vent souffle fort. Impossible la seconde fois de replacer les sardines. A l'interieur, on voit la tente s'agiter dans tous les sens sous un vacarme effrayant. Elle ne va pas tenir! La decision est prise de tout demonter car la situation devient trop dangereuse. C'est alors un vrai combat contre le vent qui ne souffre aucune erreur d'organisation. Si nous lachions la toile ne serait-ce qu'une seconde, elle serait perdue a jamais, envolee dans les cieux. Nous sortons ahuris mais victorieux de cette bataille. Les sacs sur le dos, nous avancons a la frontale, dans la nuit, courbes sous la tempete, sans savoir encore ou nous dormirons. Nous trouvons enfin une maison en cours de construction, sans murs mais avec un toit. Nous fabriquons un abri sommaire et passons une partie de la nuit assis sous une couverture de survie. Les arbres sont plies en deux, de grands eclairs dechirent le ciel tandis que le tonerre gronde longuement. Nous dormons cependant deux ou trois heures. Le lendemains, nous decouvrons trois petits cabanons completement ecroules par la tempete. Desintegres les habitats si bien integres! N'est ce pas Sabrina?
De grosses vagues roulent bruyament et s'ecrasent sur les rochers : dernieres traces des violences de la nuit...
La journee de marche suivante est ereintante. La grisaille ambiante et les averses repetees s'accordent parfaitement a notre etat de fatigue. Alors pour cette fois, nous laissons la tente au fond du sac et tapons a la porte d'une pension. Nous sommes accueillis dans la petite salle commune, tout pres du poele. Le couple souriant nous sert a manger. La grand mere est posee dans un coin. Les discussions, bien que limitees par la difference de langue, occupent une partie de l'apres-midi. Notre hote engage toute sa bonne volonte pour papoter avec nous, toujours dans une humeur joviale, une tasse de the a la main. Le diner et le petit dejeuner sont delicieux, tous deux composes de produits frais locaux : du yaourt, du miel, des olives, des tomates et des petits plats de legumes. Nous dormons bien et repartons frais et dispos!
De nouveaux sur les sentiers qui sentent la garrigue et lorgnent sur les cotes sauvages. De temps en temps un berger surgit de derriere un buisson, suivi ou precede de quelques une de ses betes. Nous admirons a notre passage les tombes anciennes et les vestiges d'un autre temps.
Nos journees passent tranquilles, au rythme lent de la marche, parfois ponctuees d'anecdotes qui
nous font sourire. En arrivant au village de Gavurağılı par exemple, nous decidons de faire le plein d'eau pour ensuite camper un peu plus loin. je me muni donc de toutes nos bouteilles vides et monte sur la terrasse d'une maison, a gauche du chemin, ou un petit vieux travaille le bois. Il porte une longue barbe, son teint est clair et ses yeux injectes de sang semblent malades. Je lui montre mes bouteilles pour lui faire comprendre ce que je cherche. Il se lance alors dans un long recit en turc, et il parle vite le bougre! Ma pratique de la langue est mise a rude epreuve! Il pointe son doigt un peu dans tous les sens en me pincant le bras plus qu'il ne le tient. En fin de compte il me tend une bouteille vide supplementaire qu'il tire de ses affaires, et retourne s'asseoir comme si je n'etais deja plus la. Un peu decontenance, j'abandonne Sophie sur le chemin et cours dans la direction que je crois etre la bonne. Apres quelques recherches, je trouve la fontaine et y remplis toutes les bouteilles, puis rejoins Sophie. Au passage, je laisse sa bouteille desormais pleine au petit vieux : il semble ravi!
Tout au long de cette semaine, nous avons pu aussi apprecier la generosite des gens du pays. Nous entrons dans un petit magasin pour acheter du pain, et nous repartons avec de delicieuses olives et des figues seches aimablement offertes. Nous tapons a la porte d'une pension pour acheter un rouleau de papier toilette, la maitresse de maison refuse que nous le payions. Enfin, le dernier jour, alors que nous marchons entre des serres de tomates qui s'etendent sur des hectares, nous faisons une pause pique-nique sur un coin d'herbe. A peine avons nous commence a manger qu'une dame nous tend 7 petits concombres pour completer notre repas. Puis vient un homme qui depose devant nous 5 oranges et un bol d'olives. Un vrai festin pour des randonneurs! En definitif, nous repartons bien plus charges que nous ne l'etions avant le dejeuner... Charges surtout de bonne humeur!
La randonnee se termine aux ruines antiques de Letoon avec la certitude que la Turquie restera un joli coup de coeur.